MAUREGNY en HAYE et Les Cahiers d'Histoire

Les de Proisy d´Eppes et le protestantisme :

Les de Proisy d´Eppes sont dans l´ensemble restés plus fidèles au calvinisme. Plusieurs ont émigré : David I de Proisy et sa femme en Irlande. Sa fille "Judith Magdeleine de Proisy s´est mariée à Monsieur Abraham Gondallier, chevalier, seigneur de Tugny, capitaine de cavalerie à Dublin par contrat de l´an 1690, mort sans postérité à Bouffiguereux près de Roucy" [1].
 
David I de Proisy [2]"apparaît comme ancien de l´église française de Portarlington et prend sans doute une part active à 1a vie de la communauté, car il signe de nombreux actes ecclésiastiques. Les deux époux finirent leur carrière à peu d´années d´intervalle, voici leurs actes de décès [3].
 
´Sépulture, du mercredi 23 juillet 1707.
Mme d´Eppes. Le mardy 22e dernier, vers les deux heures du matin, est morte en la foi du seigneur et en l´espérance de la glorieuse résurrection Dame Magdelaine de la Barge, femme de messire David de Proisy, chevalier, seigneur châtelain d´Eppes, capitaine à la pension de S. M., dont l´âme étant allée à Dieu, son corps a été enterré par M. de Bonneval, ministre de cette église et dans le cimetière de ce lieu.
Ant. Bonneval, min.´.
 
´Sépulture, du jeudy 6 mars 1712.
Proisy d´Eppes. Le mercredi 5 dernier, vers les six à sept heures du matin, est mort dans la foi du Seigneur et dans l´espérance de la glorieuse résurrection messire David de Proisy chevalier, seigneur châtelain d´Eppes, capitaine de cavalerie à la pension, dont l´âme étant allée à Dieu, son corps a été enterré aujourd´hui par M. de Bonnevla, ministre de cette église, dans le cimetière de ce lieu.
            Ant. Bonneval, min.".
           
Ses deux fils sont restés en France. L´aîné David II de Proisy est seigneur d´Eppes, Charles de Proisy est seigneur d´Aubigny.
 
            Maxime de Sars nous dit qu´ils ont abjuré en 1685 [4]; mais nous verrons que cette abjuration n´était vraiment pas sincère.
 
En 1681, au synode de Lizy-sur-Ourcq, l´église d´Eppes est représentée encore par David de Proisy, ancien et Isaac Ladier ministre [5].
 
Dans un rapport officiel de la même année, il est précisé que "David de Proisy, seigneur d´Aippe avec haute justice fait tenir le prêche dans son château d´Aippe qui est tout joignant l´église de la paroisse où le service divin par cette proximité est souvent interrompue"[6].
 
David de Proisy est encore au synode de Lizy de 1683.
 
En 1685, le Roi Louis XIV "révoqua l´Edit de Nantes, défendit par une nouvelle déclaration l´exercice public du calvinisme, ordonna que les enfants seraient baptisés par les curés des paroisses et élevés jusqu´à seize ans dans les écoles catholiques, ordonna la démolition de tous les temples, enjoignit aux ministres de quitter le royaume avec défense aux autres calvinistes d´en sortir sous peine afflictive et de confiscation des biens"[7].
 
C´est alors que "Ludovic de Rose de la Rochefoucault, comte de Roucy et David de Proisy, seigneur d´Aippes furent mis en cause cette année par le sindic du clergé de Laon, à cause des temples qu´ils avaient dans leurs chasteaux par la raison qu´ils n´étoient pas dans l´estat des ordres, la principale raison était que lors de la répudiation de l´Edit de Nantes Charles de Rose de la Rochefoucault, ayeul de Ludovic et Jean de Proisy ayeul de David étoient de la religion catholique - sur ce fondement des actes versés au Conseil d´Etat qui cassa et supprima lesdits temples et en interdit l´usage au rapport de Marquis de Chasteauneuf, ministre et secrétaire d´état.
Le Roy ayant révoqué les anciens Edits de Nantes et de Nisme que la nécessité des tems avoit extorqué de ses prédécesseurs par une déclaration authentique qui fut scellée par le chevalier Le Tellier sur la fin de sa vie, le subdélégué de Laon fut chargé de son exécution... Il se transporta à Crespy, Aippes, Roucy et Gercy où estoient les principaux temples des prétendus réformés qu´il fit démolir... Ce digne subdélégué appelé François Marteau, prévost de la ville et cité de Laon dont le nom ne mourra jamais, travailla d´une manière si efficace à exécuter les ordres du Roy que non content d´avoir osté tous les lieux d´exercice de cette monstrueuse sorte, il en osta aussy les livres qui servaient à inspirer le venin de l´hérésie et ferma par ce moyen la porte à tous les désordres qu´elle entrainoit en cette ville"[8].
 
En août 1686, David de Proisy a été aussi arrêté "à cause de l´arrivée à Eppes de deux voyageurs suspects et par le soupçon qui pèse sur lui de vouloir passer à l´étranger"[9].
 
Il faut dire que Eppes "était une étape très commode pour les fugitifs qui, venant de l´intérieur prétendaient aller au pèlerinage à Notre-Dame de Liesse. On y trouvait des facilités de logement, de renseignements d´anciens coreligionnaires" 3.
 
Combier nous dit que "le Sieur de Proisy est enfermé en l´abbaye de St-Martin de Laon par ordre du lieutenant criminel. Il supplie celui-ci de bien vouloir l´élargir. Il est seigneur, châtelain d´Eppes. Il a nombre d´affaires domestiques sur les bras, notamment les vendanges tant en Champagne qu´en pays Laonnois, même les semailles à Aippes. Sa cause se lie à celle de sa femme, de sa fille et de nombreux valets. Il s´agit d´évasion hors du royaume et probablement pour cause de religion"[10].
 
Enfin,[11] " un incident assez curieux apporte d´autres renseignements sur la famille de Proisy. Aux environs de la Saint-Jean (24 juin) 1699, un jeune homme de vingt à vingt-deux ans arrivait à Aubigny, village situé entre Eppes et Craonne, non loin de Corbeny. Etait-ce un étourdi, un dévoyé, y avait-il chez lui un peu de dérangement d´esprit? ces diverses suppositions sont permises. Il s´installa chez un fermier de Charles de Proisy, seigneur d´Aubigny et frère cadet de David de Proisy, le seigneur d´Eppes. Il se disait protestant. Après s´être fait appeler du Chesne, il prétendait se nommer du Rozoy, être le fils du seigneur du Rozoy (le Grand-Rozoy, près d´Oulchy-le-Château, au sud de Soissons) et de la demoiselle de Bouillon. Il racontait que :
« son père était mort en Angleterre, que son aïeule maternelle, appelée la demoiselle de Bouillon, vivait encore et demeurait en Hollande avec une de ses sœurs appelée la demoiselle de Saint Jean, du nom d´une ferme située à Aubigny à elle appartenant, que sa grand´tante, sœur aînée de son aïeule, était morte dans le pays de Hollande, que le sieur de Proisy, seigneur du village d´Eppes (David, premier du nom, père de David et de Charles ; celui qui était enfermé à Saint-Martin de Laon en 1686 et dont on vient de voir la fin.) sorti de ce royaume il y a près de quinze ans, était encore vivant et demeurait en Irlande, où il demeurait à son aise à cause d´une confiscation que le roi Guillaume lui a donnée ; que ledit pays était plus peuplé des Français religionnaires que des gens de la nation, qu´il avait parcouru toutes les provinces de la Hollande et du royaume d´Angleterre".
 
Charles de Proisy, le seigneur d´Aubigny, voulait l´envoyer dans sa compagnie de fusiliers, à Huningue. Ce n´était pas un homme sans instruction, le curé d´Aubigny lui avait entendu "expliquer toutes les cérémonies de la messe et tout ce qui peut se dire pour et contre" : lui-même prétendait "qu´il en savait assez pour être ministre".
 
 Au cours de sa déposition, le curé déclara que "souvent on voyait entrer dans le château du village d´Eppes des religionnaires". L´inconnu expliqua "qu´à la vérité différents religionnaires y avaient été afin de demander de l´argent pour porter à leurs parents religionnaires fugitifs qui sont en Hollande, où ils mènent une vie fort malheureuse et misérable".
 
Le jeune homme se rendit dans des villages voisins, notamment à Berrieux où il se livra à diverses excentricités et à des imprudences. Il s´y rencontra avec "Moïse Marotte de la R. P. R. lequel n´a jamais voulu abjurer et s´en est allé le
neuf de ce mois (juillet 1699) hors du royaume". Un autre témoin déclare que Moïse Marotte est "un religionnaire opiniâtre". Malgré ses singularités, notre inconnu était en bons termes avec les seigneurs d´Eppes et d´Aubigny, mangeait chez eux, et chassait sur leurs terres avec leurs chiens. Le bruit courait dans le pays qu´il était bien le fils du sieur du Rozoy décédé à l´étranger.
 
David de Proisy, seigneur d´Eppes. et son frère Charles, seigneur d´Aubigny, étaient encore tous deux attachés au protestantisme car ils avaient donné "une Bible commentée par Jean Calvin" à Elisabeth Allart d´Aubigny, dont la famille était protestante. Charles de Proisy allait même dans cette maison "pour y prêcher la persévérance" ce qui avait obligé le curé "d´aller chez les enfants dudit Allart pour y prendre tous les livres qu´il y´ a vus concernant les instructions de la religion prétendue réformée" (Arch. de L´Aisne, Bailliage de Vermandois, Criminel, côte 32).
 
Si les témoignages sont parfois peu cohérents et toujours fragmentaires, ils font cependant voir que le protestantisme comptait encore des adhérents dans ce canton. Le fait qu´après la Révocation on trouve des religionnaires entre Eppes et Craonne confirme, en les éclairant, les données antérieures.


[1] Généalogie de la famille de Proisy
[2] Paul Beuzart - Le Protestantisme en Thiérache - 1931 ; pages 244 et 245
[3] Registers of the French Church of Portarlington, Ireland, dans the publications of the Huguenot Societv of London, t. XIX, p. 55 et 72.
[4] Maxime de Sars - Le Laonnois Féodal - TIII, p. 234
[5] Paul Beuzart - Le Protestantisme en Thiérache - 1931 et Douen - Essai historique sur les églises réformées dans l´Aisne - 1860
[6] [6] Paul Beuzart - Le Protestantisme en Thiérache - 1931 ; page 138
[7] Nicolas Lelong - Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon - 1783 - Réédité en 1980, p. 560
[8] Claude Leleu - Histoire de Laon T. II, page 881
[9] Paul Beuzart - Le Protestantisme en Thiérache - 1931 ; page 244
[10] Combier - Etude sur le Bailliage du Vermandois, p. 463
[11] Paul Beuzart - Le Protestantisme en Thiérache - 1931 ; page 245 et 246

 


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