La liquidation des contradictions avec Monsieur de MIREMONT.

 

Cette période est vraiment difficile pour Monsieur de MIREMONT, car, outre la liquidation de son statut de ci-devant noble et la diminution de ses revenus, il doit affronter la maladie et l’infirmité.

- Les derniers débats sur la propriété des peupliers.
 
            Le 3 janvier 1793 :
 
            « Vu la pétition du Conseil Général de la commune de Coucy-lès-Eppes sur une contestation qui règne entre elle et le citoyen MIREMONT relativement à une avenue d’arbres qu’elle est accusée d’avoir vendue.
 
            Vu l’avis du District du 13 décembre 1792 qui s’en réfère à la délibération de Municipalité.
 
            Le Conseil Permanent du Département de l’Aisne considérant qu’il s’agit de décider si le chemin en question est un « routi » de la commune ou un chemin public, arrête son Procureur Général Syndic entendu que les parties se retireront pardevant les juges qui en doivent connaître, à laquelle fin les autorise à plaider.
 
Signé : CLOUARD Vice Président - POURIER - TRANCHANT - HUET ».
 
            Le 12 mars 1793 :
 
            « Vu la pétition de la commune de Coucy-lès-Eppes par laquelle elle dénonce un abatti d’arbres fait au préjudice de son opposition ; vu les pièces jointes et l’avis du District de Laon du 25 février portant que les arbres dont s’agit sont sur les propriétés du Sieur MIREMONT, qu’en conséquence, il était libre d’en disposer et qu’il n’y a lieu à délibérer sur l’exposé du Conseil Général.
 
            Le Conseil permanent du Département, oui le Procureur Général Syndic, arrête que ledit avis sera suivi comme arrêté du Département. Signature illisible ».
 
            Le 21 juin 1793 :
 
            « Vendredi 21 juin 1793, 2ème de la République.
 
            Entre Louis CHEMIN laboureur et aubergiste, demeurant à Mauregny aux fins des requêtes et exploits de FLEURY, huissier à Laon des 22 et 23 avril dernier (1 793), dûment enregistrés les 23 et 27 du mois comparant par Pierre Louis CARETTE son avoué qui a conclu à ce qu’il lui fut donné acte de la reconnaissance faite par le défendeur ci-après au bureau de Paix le 14 dernier qu’il avait abattu et exploité les arbres dont est question et par provision à ce que par experts convenus ou nommés d’office visite fut faite des arbres qui peuvent être encore en parti gisant sur les pièces de terre du demandeur pour estimer la valeur de chacun d’eux ensemble dommages et intérêts soufferts et à souffrir par ledit dr résultant de leur abattit pour un rapport fait et rapporté car être par lui au ppal telles conclusions qu’il avisera.
 
            Et, Louis GUYENNE, marchand de bois, demeurant à Saint-Erme, défr et ddr en recours suivant l’exploit de DELIANCOURT, huissier à Montaigu du 04 mai dernier (1793) comparant par Théodore COURTIN, son avoué, qui a conclu à ce que condamner à l’acquitter, garantir et indemniser des condamnations qui pourraient intervenir contre lui et endommager et intérêts et dépens et requérant acte au surplus de ce que le défr ci-après prenait son fait et cause.
 
            Et Thomas Exupert Fois MIREMONT, citoyen, demeurant à Coucy-lès-Eppes, comparant par le citoyen DEQUIN le jeune son défenseur officieux et LEGRAS avoué substituant CAMIERE l’aîné son avoué qui ont conclu à ce qu’il fut donné acte audit MIREMONT de ce qu’il prenait fait et cause pour ledit GUYENNE et à ce qu’il fut permis d’assigner et mettre en cause la commune de Mauregny et que ladite demande provisoire soit jointe au fond.
            Partie ouy et comme dessus.
 
Considérant :
 
·       1er - Qu’il ne peut y avoir de difficulté à acte à la partie de CARETTE de la reconnaissance faite par la partie de COURTIN au bureau de Paix et réitéré au Tribunal que c’est ladite partie de COURTIN qui a abattu et exploité les arbres en question.
 
·       2ème - Qu’il ne peut pas non plus y en avoir de donner acte aux parties de DEQUIN le Jne et de COURTIN de la prise de fait et cause par celle de DEQUIN le Jne de celle de COURTIN.
 
·       3ème - Qu’il importe pour éclairer la justice sur les droits des parties et sans y préjudicier, de faire visiter et estimer les arbres dont il s’agit le plus tôt possible même constater les dommages et intérêts si (acte) y a.
·       4ème - Qu’à l’égard de la mise en cause de la commune de Mauregny requise par la partie de DEQUIN le jeune, c’est une voie de droit qu’elle peut exercer à ses risques.
    
            Le Tribunal donne acte à la partie de CARETTE de la reconnaissance faite par la partie de COURTIN, que ladite partie de COURTIN a abattu et exploité les arbres en question, donne pareillement acte aux parties de DEQUIN le jeune et de COURTIN respectivement de ce que celle de DEQUIN le jeune prend le fait et cause de celle de COURTIN, sans préjudice des droits au ppal, ordonne que par experts dont les parties conviendront, sinon qui seront nommés d’office, visite sera faite des arbres dont est question qui peuvent encore être en partie gisant sur les terres de la partie de CARETTE pour estimer la valeur d’eux ensemble les dommages et intérêts qui peuvent lui être dus résultant de cet abattis. Lors de la visite les parties pourront faire les dites réquisitions qu’elles aviseront, de quoi sera rédigé procès verbal pour ...... fait et rapporter être par le Tribunal statué ce qu’il appartiendra et font à la partie de DEQUIN leu jeune à appeler et mettre en cause la commune de Mauregny en la forme de droit et à ses risques et périls et fortune, dépens et ce qui reste à faire droits réservés ».
 
            Le 16 juillet 1793, le conseil de district de Laon donne un avis favorable :
 
            « Avis du conseil du district de Laon autorisant le conseil général de la commune de Mauregny à se pourvoir contre Thomas Exupert François de Miremont ».
 
            Le 20 juillet 1793, nouvelle convocation au tribunal. Louis CHEMIN désigne BERNIER, charron, demeurant à Marchais comme avoué - MIREMONT « n’est pas comparu, ni son avoué pour luy ». LECOINTRE[1], marchand de bois à Coucy-lès-Eppes est nommé expert d’office.
 
            Le 31 juillet 1793, le conseil du département décide :
 
            « Vu la pétition du conseil général de la commune de Mauregny tendante à être autorisée à se pourvoir contre le citoyen MIREMONT au paiement de frais d’une instance qui a eu lieu au tribunal de district de Laon entre la commune et ledit MIREMONT, vu la pièce y jointe et l’avis du district de Laon du 16 de ce mois.
 
            Le procureur général syndic, entendu le conseil permanent du département de l’Aisne, arrête que les pétitionnaires se retireront par devant les juges qui en doivent connaître en conséquence les autorisant à cet effet à soutenir leurs droits ».
 
            Le 3 août 1793 :
 
            « Entre Louis CHEMIN, laboureur et aubergiste à Mauregny demandeur en exécution des jugements des 21 juin et 20 juillet comparant par Pierre Louis CARETTE son avoué avec les experts :
                                   - BERNIER, charron à Marchais,
                                   - LECOINTRE (Jean), marchand de bois à Coucy-lès-Eppes,
 
experts nommés pour procéder aux opérations ordonnées par les jugements suscités et venus prêtés le serment.
 
            Et Louis GUYENNE, marchand de bois à St-Erme, défendeur, par Théodore COURTIN son avoué.
            Ne s’oppose pas à la prestation de serment et Thomas Exupert François de MIREMONT, citoyen, demeurant à Coucy-lès-Eppes non comparant, ny Chrestien CARRIERE son avoué, ny autre pour luy.
 
            Le tribunal donne défaut faute de plaider contre la partie de CARRIERE et pour le profit donne acte à la partie de CARETTE de la comparution des deux experts ».
 
            Ainsi prend fin la contestation de MIREMONT dans le développement du processus révolutionnaire.
 
-L’incarcération de Thomas Exupert François de MIREMONT.
 
 
            Il est probable que Thomas Exupert François de MIREMONT a été arrêté en juillet 1793. En effet comme nous venons de le voir, le 21 juin un procès l’oppose à la commune de Mauregny. Il est présent par « le citoyen DEQUIN, son défenseur officieux ». Par contre le 20 juillet 1793, puis le 3 août 1793, il n’est pas comparu, ni son avoué. Cette absence ne peut-être expliquée autrement que par son arrestation, car il s’est toujours défendu avec beaucoup de rigueur.
 
            On arrête tous « les ci-devant nobles » et les « parents d’émigrés ». Thomas Exupert de MIREMONT était donc doublement suspect !
 
            Le 13 août 1793, les membres permanents du département de l’Aisne ont déclaré aux citoyens composant le comité de salut public :
 
            «  Nos commissaires dans le département de l’Aisne ont pris un arrêté qui met en état d´arrestation tous les ci-devant nobles, les parents d’émigrés et toutes les personnes suspectes des trahisons et les perfidies dont la République a été victime, la sûreté générale, le succès même d´une défense légitime ont prescrit une mesure importante.
 
            Les administrations se sont empressées de l’exécuter mais plusieurs communes font des réclamations sur son universalité et nous croyons qu´il est nécessaire de fixer le degré auquel un individu parent d’émigré doit être arrêté. Les parents d´émigrés fonctionnaires publics, les ci-devant nobles exerçant des fonctions publiques seront-ils compris dans ces réquisitions?
 
            Du reste nous vous observons qu´il y a encore une infinité de mal intentionnés ; qui cherchent à intimider le peuple et à corrompre l’esprit public.
 
            Nous croyons par conséquent qu´il est nécessaire de tenir rigoureusement la main à la réquisition et à faire le moins d´exemptions possibles ».
 
            Le compte-rendu de la séance du 5 frimaire an II (25 novembre 1793) du « Conseil permanent du département de l’Aisne » indique :
 
            « considérant que le Salut public exige que les arrestations soient encore beaucoup plus étendues dans un moment où les hommes suspects cherchent à se populariser pour y égarer l’opinion publique.
            Considérant que la maison de réclusion est engorgée et qu’il est urgent de faire évacuer sur Soissons... »
           
Le Conseil présente alors une liste des personnes à évacuer dont :
 
« Coucy les Eppes - Mirmont ».
 
            Le 8 frimaire an II (28 novembre 1793), il y a un « état des citoyens détenus... aux ordres du représentant du peuple ROUX... » dont : « le citoyen MIREMONT, de Coucy les Eppes, 70 ans, infirme ».
 
            Le 14 frimaire an II (4 décembre 1793), nouvel arrêté :
 
            « les reclus désignés en l’arrêté 5 envoyé au District partiront sans délai pour Soissons sous bonne et sûre garde à l’exception des nommés MIREMONT, trop infirme, et ... (suit une liste de vieillards et d’infirmes) ».
 
Enfin, un« Etat des reclus en la maison des Isles » ,  non daté, porte au n° 17 : « Thomas Exupert François de MIREMONT ».
 
            Par ailleurs Thomas Exupert François de MIREMONT fait dans son testament du 4 janvier 1806, un legs :
 
            « ....en reconnoissance du zèle avec lequel le nommé REGNAULT, tonnelier et mandelier à Laon cy-devant concierge de la maison d’arrêt de Madame Martin où j’ay été détenu, m’a adoucy les peines dans ma captivité... »
 
            Avant le 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793), il n’y avait que trois prison à Laon : maison de justice de la congrégation, maison d’arrêt de la Tour d’Outremer et maison de répression de St-Vincent. Comme elles ne suffisaient plus et que des lettres réclament à la commune de Laon des locaux pour mettre en arrestation et au secret lesdits reclus ci-devant nobles de cette commune, plusieurs maisons servirent de prison. Une d’entre elles est la maison de réclusion dite Martin Bezilles, 18, rue des Bouchers (actuellement 38, rue Vinchon). Cette prison servait d’infirmerie. Il est normal que Monsieur de MIREMONT y ait été transféré.
 
            Il a probablement été rapidement libéré puisque nous le trouvons le 4 pluviôse an II (23 janvier 1794) témoin au mariage de Jean François LORAIN à Coucy les Eppes. Dans cet acte, il est désigné comme « charbonnier ».
 
            Mais il reste sous surveillance. En effet, dans sa séance du 28 germinal an II (17 avril 1794) le comité révolutionnaire de la ville de Laon signale :
« ... qu’il existe encore dans nos campagnes des cy-devant nobles et des agens de nobles, que différents d’entre eux sont employés dans les autorités constitués, notamment... » suit une liste dont « l’agent national de la commune de Coucy les Eppes, receveur du nommé MIREMONT ».
 
            Le 15 frimaire an III (5 décembre 1794) :
 
            « ... l’administration municipale du canton de Sissonne arrête qu’elle ne peut donner d’autres renseignements à la régie nationale, sinon que le mobilier de la communauté entre ledit MIREMONT et ladite DAUBOURG sa femme émigrée est constaté par un inventaire faite par DELIANCOURT vivant notaire à Montaigu les 26,27,28 nivôse (15,16, 17 janvier 1 795), 16 et 17 ventôse an III (06 et 07 mars 1 795), en vertu d’un arrêté du ci devant district de Laon du 15 frimaire an III (05 décembre 1794), en présence de la cidevant municipalité dudit Coucy dont l’estimation se monte à 21 708 Francs ».
 
            Nous ne savons pas si des meubles ont été effectivement saisis à cette époque.
 
            Le 19 floréal an III (8 mai 1795), l’administration départementale de l’Aisne prend un arrêté concernant l’exploitation de la carrière de grès du Mont d’Haye.
 
            Le 29 floréal an III (18 mai 1795),
 
            «... Thomas Exupert François de Miremont vend une vigne à Mauregny à Jacques GOSSET et à Louis HECART de Courtrizy pour 20.000 livres - Sous seing privé ».
 
            Le 22 prairial an III (10 juin 1795) :
 
            « ... Monsieur de Miremont vend à Mauregny 4 pressoirs et matériaux pour 2000 Livres et bâtiments 5 500 Livres - Pardevant DELIANCOURT ».
 

            C’est le début de la désagrégation du domaine seigneurial.



[1] Un de ses fils Pierre Rose François Eloi né à Coucy-lès-Eppes, mort à Reims le 13/01/1868, deviendra négociant en laines, épicerie et droguerie, juge puis président au Tribunal de Commerce de Reims - Source : La vie rémoise 1865-1868 , Eugène Dupont à Reims chez Jean-Yves Sureau, 124, rue de Vesle 1986 - page 119/20