MAUREGNY en HAYE et Les Cahiers d'Histoire

Industrie chimique


Cendres noires et industrie chimique


 La plus ancienne mention de la fabrication de l'alun dans notre département se trouve dans un rapport de l'intendant Samson de la Houssaye en 1698 : «Il s'est découvert depuis quelques années à Bourg et à Comin, près la rivière d'Aisne, une mine d'alun aussi bon que celui des pays étrangers, mais le manque de bois qui est rare du côté de la Champagne en a fait cesser le travaip6». Nous n'avons pas d'autre renseignement sur cette exploitation. Il faudra attendre 1770, pour que s'ouvre au Béquet, dans l'Oise, «la première manufacture de couperose qu'ait eue la France37». Le registre des délibérations de la Société royale d'agriculture de Laon mentionne le 19 mai 1778 une directive «de Monsieur Monnet, inspecteur des mines de France, contenant des instructions pour l'établissement des fabriques de vitriol en employant la matière pyriteuse qui se trouve en Picardie et Soissonnais, connue sous le nom de cendres ou terre-houille38» (vitriol = couperose = sulfate). C'est seulement en 1786-1787, que sera construite la première usine répondant à cette directive. C'est un anglais nommé Chamberlain qui mit au point les plans et procédés techniques et obtint une concession. Cette concession suscita des protestations de la Société royale d'agriculture. Celle-ci est hostile au principe du monopole d'exploitation et en particulier à ce projet «destructif de l'industrie nationale». Elle craint que la production des cendres soit accaparée aux dépens de l'agriculture. Mais, l'usine démarre et un texte d'avant 180739 décrit la technologie employée à Urcel, technologie conforme à celle décrite dans l'Encyclopédie Diderot. «On lessive d'abord les cendres, et après avoir dégagé de cette lessive les sels étrangers qu'elle contient et établi l'équilibre entre les deux principes qui constituent le vitriol, on cristallise. La cristallisation s'opère dans de grands bassins de 10 à 12 pieds de profondeur, par le refroidissement lent et graduel de la lessive... une dernière manipulation donne les différents degrés de force et d'activité du vitriol. La manufacture d'Urcel en a de quatre numéros.

Elle envoye à Sedan, Rheims, Orléans et même Bordeaux...». Au début, on n'extraie que le sulfate de fer. Ce n'est que vingt ans plus tard, que l'on s'est rendu compte que les terres pyriteuses d'Urcel contenaient aussi de l'alumine. Selon Brayer, «les travaux du célèbre chimiste Vauquelin conduisirent à fabriquer simultanément de la couperose et de l'alun à Urcel40» ! La fabrication de l'alun commença en 1808 à Urcel, et en 1809, à Chailvet où l'on fabriqua aussi pendant trois ans de la soude.

Technologie

Le mémoire des élèves instituteurs de Laon, déjà mentionné, décrit la technologie employée avec précision pour l'usine de Chailvet en 1911. L'extraction de la cendre se fait à ciel ouvert. Le«décomble» se fait pendant l'hiver, sur 4 mètres d'épaisseur, dont une couche de sable exploitée pour les grès ; c'est là une particularité des cendrières d'Urcel, Chailvet, Mailly, Laval. Ces grès servent à fabriquer des pavés. Les cendres (2,50 m d'épaisseur) sont extraites en juin, mises en tas de 1,50 m, sur un lit de fagots, pendant quatre mois. C'est alors que se forme le sulfate de fer et le sulfate d'alumine. Les tas sont remués régulièrement pour éviter l'inflammation spontanée. «L'usine est disposée sur des terrains en pente, ce qui permet aux liqueurs de s'écouler naturellement d'un atelier dans l'autre». Le lessivage se fait dans des lessivoirs en pierre de taille à double fond. L'eau traverse les cendres des différents lessivoirs, puis, elle est recueillie «dans des réservoirs en moellons où elle séjourne quelque temps». Ces eaux-mères sont ensuite «décantées dans de grandes cuves doublées de plomb, chauffées modérément». Les vapeurs sont dirigés à l'extérieur par des conduits en bois. Puis, ces eaux sont amenées dans des cristallisoirs en pierre de taille. L'eau-mère est enfin enlevée à la pompe, et il reste les cristaux de sulfate ferreux. L'eau-mère contient encore du sulfate d'alumine : en combinant celui-ci avec un sulfate alcalin, de potasse ou d'ammoniaque, on obtient de l'alun. La combinaison opérée, on fait cristalliser, avec la même technique que pour le sulfate de fer. Le premier alun obtenu, alun gris, est impur. En le dissolvant et en le faisant cristalliser de nouveau, on obtient un alun plus pur, de 2? degré. Pour obtenir l'alun commercial, il faut répéter une troisième fois l'opération «avec les morceaux les plus purs» et dans des récipients spéciaux appelés formes. L'usine produit 1 500 tonnes d'alun et 2 500 tonnes de couperose. Elle transforme une partie du sulfate ferreux en sulfate ferrique, qui est un coagulant et un désinfectant très énergique : il transforme le sang en un engrais très riche en azote. Le mémoire indique encore : «les cendres lessivées ont une certaine valeur comme engrais». Cette affirmation a toujours été contestée. Dès 1778, M. Monnet affirmait qu'elles «ne seraient plus que des cendres mortes et sans actions38», ce qui est logique si l'on considère le rôle du sulfate ferreux. Il y eut des procès pour en interdire la vente, et la publicité fait la distinction entre «cendres lessivées» et cendres non lessivées.

Certaines usines produisent des «magmas41». Elles se contentent des premières opérations de concentration des lessives, et vendent à d'autres usines le résidu de cette concentration qui est un mélange impur de sulfate de fer et de sulfate d'alumine.

Il faut noter enfin, qu'à Chailvet, «les matériaux provenant des décombles sont transportés aux endroits déjà exploités et disposés autant que possible dans l'ordre primitif. Ils sont destinés, après exposition de 4 ou 5 ans à l'air, à reconstituer des terrains neufs où l'on plante des espèces forestières peu exigeantes42». Encore un souci «écologique» !

Les sources d'énergie

La plus ancienne source d'énergie, et longtemps la seule, est évidemment le bois. Et comme le notait l'intendant en 1698, cette ressource est rare dans notre région. Aussi dès le début de l'industrie chimique, a-t-il fallu trouver d'autres ressources. Et d'autant plus, que toute installation d'usine suscitait de violentes protestations des habitants des villages voisins qui craignaient de ne plus trouver de bois pour l'usage domestique, pour les échalas des vignes et aussi pour les autres petites «usines» déjà existantes briqueteries, poteries, tuileries, brasseries, etc. A Urcel et Chailvet, on utilisait la tourbe toute proche dans les marais de l'Ardon. A Beaurieux et Bourg-et-Comin, on utilisait une des couches de lignite d'une qualité suffisante pour chauffer les chaudières. On utilisa aussi le charbon dès le début du XIXe siècle, transporté d'abord par voie d'eau, notamment dans la région de Chauny et Saint-Quentin, puis par chemin de fer.

La concurrence

Toute création d'usine est annoncée par voie d'affiche et dans les journaux. Elle suscite les protestations des propriétaires d'usines existantes qui craignent la concurrence, la surproduction et l'effondrement des prix. Cette concurrence joue aussi à l'échelle internationale. Par exemple, comme l'a montré M. Dumas44, les conditions ont changé de l'Empire, avec le blocus continental, à la Restauration : modifications de frontières, rétablissement de la concurrence anglaise pour la vente du sulfate de fer en Belgique, suppression de la concurrence belge et italienne pour la vente des aluns en France. Les élèves-instituteurs notent en 1911, que «les aluniers de l'Aisne ont longtemps tenu la tête des marchés grâce à l'absence de concurrence et n'ont guère réalisé de progrès dans la fabrication technique». L'importation de l'alunite de la Tolfa (Italie) permise «par l'abaissement des droits d'entrée en France» a permis la création dans la région de Rouen de «fabriques d'alun pur de toute couperose». Il en fut de même pour le sulfate de fer, longtemps rémunérateur, et les fabricants de l'Aisne, pourtant réunis en syndicat, n'ont pu résister à la concurrence de produits plus purs et moins chers.

36. Georges Dumas, Mémoires de la Fédération des sociétés d'histoire et d arcooge de l'Aisne, t. IX, p. 68.

37. Comité français d'histoire de la géologie, 2e série, 1983, t. I, p. 24.

38. Arch. dép. Aisne, D 2, p. 172.

39. «Voyage pittoresque de la France», Le Vermandois, 1877, p. 8.

40. Brayer, Statistique de l'Aisne, op. cit. p. 256.

41. Brayer, op. cit., p. 258.

42. «L'usine d'Alun de Chailvet», Bulletin de la société de géographie de l Aisne, art. cite, p. 23.

43. Arch. dép. Aisne, 1 Mi 392-393, boîte 1.

44. Georges Dumas, «L'industrie au début de la Restauration», Mémoires de la Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne, t. VIII, p. 13.





Cendrières des collines est du Laonnois

Toutes les cendrières des collines est du Laonnois ont pour caractéristique commune d'être en galeries, comme je l'ai déjà indiqué plus haut, sauf à Saint-Erme et Goudelancourt-les-Berrieux. On ne retrouve donc que les traces des entrées, avec les chemins qui y mènent et les emplacements pour stocker les cendres. On retrouve aussi quelques trous de ventilation (échaux) au-dessus et dans l'axe de ces entrées. Nous en avons fait avec mon ami Jacques Tavola une description exhaustive, recensant dixsept cendrières réparties sur quatre communes, ouvertes tour à tour ou

46. Deladrerie, Géographie physique et historique de l'Oise. 1886.

47. BibI. mun. Compiegne, fonds Léré.

simultanément. Le cas du Mont Héraut est particulièrement intéressant. Butte témoin détachée de la ligne de collines au nord de la route de Mauregny-en-Haye - Montaigu, elle vit se succéder huit cendrières. La première ouverte en 1758, par le seigneur de Miremont, à ciel ouvert fut remplacée vers 1775 par une première cendrière en galerie, dont le sieur Lemaistre, jeune diplômé de l'École royale des Mines fondée en 1783 fit une étude détaillée, accompagnée d'un plan en 1787. A la Révolution, le monopole seigneurial étant aboli, deux sociétés ouvrirent chacune une cendrière toute proche. Puis, les cendrières se succédèrent tout autour de la «Montagne», la dernière était encore en exploitation en 188848.

Il y eut des cendrières à Festieux (cendrières, *1805-1855), à Goudelancourt-les-Berrieux (cendrier de Belval en 1855), à Eppes (2 cendrières, * 1809-1870), à Mauregny-en-Haye (7 cendrières, * 1758-1900), à Montaigu (5 cendrières, * 1797-1900), à Parfondru (mentionné en 1805), à Saint-Erme-Outre-et-Ramecourt (1805-1830, il y a encore un lieu-dit «La cendrière»).

L'expérience accumulée dans ce travail de recherche exhaustif montre la difficulté à localiser les cendrières et à préciser leur histoire : les sources sont souvent confuses, plusieurs emplacements proches portent le même nom, les noms de lieux-dits ont changé, certaines cendrières à ciel ouvert ont été rebouchées, d'autres transformées en étang ont pu être modifiées dans leur nouvelle fonction. La carte géologique de l'Aisne est très utile, ainsi que les cartes d'état major, de 1838 à la guerre 1914-1918. La carte géologique moderne permet de préciser les zones d'affleurement du Sparnacien.

Ouvriers et propriétaires cendriers

Selon Brayer, le cendrier est le commerçant en cendres. Mais, le plus souvent, le mot cendrier est employé comme qualificatif : propriétaire cendrier, exploitant cendrier, ouvrier cendrier. Le mot mineur de cendres est très rarement employé ; en général, ces ouvriers sont qualifiés de «manouvriers» dans les registres d'état civil. Le facteur cendrier est le gérant, le directeur, à la fois technique et commercial. Au XVIIIe siècle, on parle du piqueur de mines, qui est un chef d'équipe avec les fonctions du facteur au XIXe siècle.

Importance de la population ouvrière

Il n'y a que très peu de statistiques permettant d'étudier la population ouvrière. Et celles qui existent concernent presque uniquement les ouvriers des usines vitrioliques. Les chiffres alors cités recouvrent à la

48. Tribune de l'Aisne, 23 janvier 1888.

fois les ouvriers occupés à extraire et préparer les cendres, et les ouvriers qui travaillent dans l'usine proprement dite. L'extraction des cendres était un travail saisonnier. La dispersion des cendrières, la variabilité de leur importance et de leur durée d'exploitation expliquent ce manque de données globales. Je ne peux donc donner qu'une idée très approximative de l'importance de cette population ouvrière.

En 1765, il y avait 30 à 40 ouvriers employés à la cendrière de Mauregny-en-Haye ; en 1808, il y en avait 100 à 120 à Urcel. En 1813, les quatre usines employaient 460 ouvriers. En 1816, il y avait 439 ouvriers sur les cendrières du département. En 1824, il y avait 220 ouvriers avec les nouvelles usines. En 1825, Brayer parle de 510 ouvriers, auxquels il faut ajouter ceux des usines de magmas. En 183749, il y a 624 ouvriers et 39 chevaux ; en 1843, il y a 552 ouvriers et 30 chevaux selon d'Archiac. Comme à cette époque la moitié de la production des cendres est pour l'agriculture, on peut estimer à 850 le nombre d'ouvriers employés dans l'Aisne. En 1847, il y a 48 ouvriers à Bourg-et-Comin. En 1869, la Chambre de Commerce de Saint-Quentin publie une statistique plus précise : 23 patrons cendriers et 142 ouvriers, dont 41 femmes, pour «les mines et les minières» (cendrières). Mais elle donne des renseignements globaux sur l'industrie chimique dans l'arrondissement de Laon : 7 patrons et 1 166 ouvriers (dont 179 femmes). Enfin, Maxime de Sars, dans sa monographie d'Urcel parle de «90 ouvriers dont 20 enfants».

Mais l'activité cendrière ne se réduit pas à l'extraction et au façonnage des cendres, il faut aussi transporter ces cendres. Cela se fait essentiellement avec des charrettes appelées «barots» ou «barous» en patois local, ou tombereaux au début de ce siècle. La voie d'eau est aussi très utilisée pour les transports à longue distance : il existait des magasins près des rivières et des canaux. A partir de 1850, on utilise le chemin de fer. On passe de tarifs à la voiture au XVIIIe siècle à des tarifs par «wagons de 10 000 kilos» en gare de Coucy-Iès-Eppes ou Urcel. Il fallait créer et entretenir des chemins d'accès. Le transport, ainsi que le stockage sont réglementés. Il est encore plus difficile de trouver des chiffres sur l'importance du commerce des cendres : il y avait à Montaigu, en 1801, quinze cendriers, dont il est précisé qu'il s'agit de petits commerçants. Enfin ce commerce faisait vivre les aubergistes : une affiche de 1770 «vante les bonnes auberges pour les voitures qui seraient dans le cas de loger en route50», et une auberge de Montaigu fait de la publicité en 1850 pour les voituriers.

49. Annuaire de l'Aisne, 1837.

50. Arch. dép. Aisne, D 6 ; Maxime de Sars, Monographie d'Urcel, p. 239.

Pendant longtemps, jusqu'au milieu du XIXe siècle, il y a un déficit de main-d'oeuvre. Les laboureurs craignent l'ouverture des cendrières et surtout l'installation des usines, car le recrutement d'ouvriers pour celles-ci a pour résultat l'augmentation des salaires des ouvriers agricoles. C'est un des arguments employés dans les pétitions contre les usines pendant la période révolutionnaire. En revanche, on constate que cela diminue la mendicité. Pendant les guerres de la République et de l'Empire, la conscription a enlevé beaucoup de main-d'oeuvre dans les campagnes. L'usine d'Urcel a donc employé des prisonniers de guerre. Elle en avait déjà dixhuit, elle en réclame trente autres le 16 février 1795 pour développer sa production «si utile à la République51». A Mauregny-en-Haye, Montaigu, Coucy-lès-Eppes, les registres d'état civil mentionnent plusieurs ouvriers polonais ou hongrois qui font souche en se mariant dans ces villages. L'un est «déserteur de l'empire d'Allemagne», un autre «prisonnier de guerre» ; ils resteront en France. D'autres sont peut-être retournés dans leur pays. A l'usine vitriolique de Quessy, on parle de «plusieurs Espagnols prisonniers de guerre... qui, à la paix refusèrent de retourner dans les pays et finirent par obtenir leur naturalisation52».

Quant au travail des ouvriers cendriers, nous en avons une idée à travers la liste des outils figurant dans un inventaire de la cendrière Miremont à Mauregny-en-Haye en 1783. Elle est conforme à la liste de ceux des mineurs publiée dans l'Encyclopédie Diderot, ou celle des outils des charbonniers qui comporte une «voiture à charbon» dans la même Encyclopédie. On en a aussi une idée à travers les accidents de travail : asphyxie comme à Benais, écrasement comme à Mauregny, à Ciry-Salsogne, à Mailly et à Travecy (à Mennessis, trois ouvriers sortent indemnes d'un éboulement en 1839), noyade comme à Montaigu (trois ouvriers noyés en travaillant à déblayer une galerie pour en faire sortir l'eau). Dans les usines «où les cuves en ébullition ne dépassent pas du sol» où les ouvriers circulent sur des planches, il y a des chutes mortelles dans ces cuves pleines d'acides (à Bourg-et-Comin, à Chailvet53). Pour compléter, on signale des noyades accidentelles de passants dans les mares liées aux cendrières, et même... un suicide ! (à Mauregny54).

Les propriétaires cendriers et les usiniers

Je ne pourrai ici donner que des indications générales car je n'ai pas pu étudier suffisamment de destins individuels ou familiaux. Mais, à travers l'expérience acquise avec mon ami Tavola dans un cadre géographique limité, il est possible de dégager quelques enseignements.

51. Arch. dép. Aisne, 1 Mi 392-393, boîtes 30 et 31.

52. Hincelin, Monographie de Quessy, p. 163.

53. Journal de l'Aisne, 20 mars 1851.

54. Journal de l'Aisne, 20 mars 1851.

Avant la Révolution, ce sont presque uniquement des nobles et plus particulièrement des seigneurs qui s'intéressent à cette activité pour la mise en valeur de leurs domaines. Plusieurs sont membres de la Société royale d'agriculture, notamment des ecclésiastiques et des bourgeois (au sens de l'époque) comme Gouge. Ils ont souvent obtenu des concessions qui sont de véritables monopoles d'exploitation. Ceux-ci sont parfois contestés, comme à Cessières en 1770, par un sieur Navet qui veut exploiter les cendres dans sa propriété. On peut citer les familles de Flavigny (Suzy, Charmes, Travecy), Caignart du Rotoy (Mailly et dans l'Oise), Belly de Bussy (Beaurieux, Cuissy, Bourg-et-Comin).

Le cas de Mauregny-en-Haye est intéressant. Monsieur de Miremont est baron de Montaigu, seigneur de Mauregny et de Coucy-les-Eppes. Son épouse est une femme de lettres et d'affaires55. Non seulement, elle pousse au développement de la cendrière de Mauregny, mais elle achète des actions dans les mines de charbon d'Anzin. Son «piqueur de mines» est Claude Lorain, maçon à Coucy-les-Eppes, puis, le fils de celui-ci Jean Francois Lorain. Pendant la Révolution, le monopole d'exploitation disparaît et deux sociétés de cendriers voient le jour et ouvrent des cendrières tout à côté de celle de Miremont. Celui-ci, dont la femme a émigré, s'associe alors à Jean-Francois Lorain, qui en 1795, achètera le château de Mauregny et l'ensemble de la cendrière. Les enfants gèrent des cendrières à Mauregny et Montaigu jusqu'en 1888 au moins. Trois générations ont ainsi bâti leur fortune sur les cendrières, et nous avons pu suivre deux autres familles de Mauregny pendant trois générations.

Au XIXe siècle, on peut citer quelques familles comme Jacquemart à Quessy, Pottofeux, l'ancien procureur syndic de l'Aisne, gérant, puis propriétaire de l'usine de Chailvet et ses successeurs les familles Huriez, Brunel, Fischer, Marguerite Delacharlonny à Urcel et Chailvet. Cette histoire familiale du développement industriel mériterait sans doute d'être étudiée plus en détail et replacée dans un cadre plus vaste. Mais, même à l'échelle de l'Aisne et dans ce domaine particulier, on voit monter dès cette époque la concentration et la concurrence, la guerre des débouchés, des matières premières et des techniques, la contradiction entre routine et développement technique.

En guise de conclusion, je citerai un modeste témoignage du rayonnement des cendres noires de notre département. C'est une lettre envoyée au directeur de l'usine d'Urcel le 4 mai 1910. M. Chabrier, instituteur à Gerzat (Puy-de-Dôme) demande qu'on lui envoie : «... un petit colis de

55. Henri de Buttet, «Une femme de lettres en pays laonnois», Mémoires de la Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne, 1989, t. XXXIV, p. 78 ; Guy Pluchart et Jacques Tavola, Le comte et la comtesse de Miremont, récit d'une vie seigneuriale perturbée par la Révolution ; G. Pluchart et J. Tavola, Les cendrières, op. cit., p. 39-45.

10 kg contenant des cendres pyriteuses, régénérateur des prairies, sulfate de fer pour engrais, alun...», avec ce commentaire : «Comme c'est pour l'instruction, j'espère que vous voudrez bien me rendre ce service56».

Guy PLUCHART

Avec mes remerciements à tous ceux qui ont bien voulu échanger des informations avec moi : Messieurs Lamine, Marival, Morelle, Mademoiselle Plouvier, Messieurs Stephan et Geugnon, et surtout mon ami Jacques Tavola.

56. Archives Delacharlonny, Musée de Laon.

Fig. 8 - L' usine d'Urcel, 1908 (coll. particulière).

Fig. 9 - La briqueterie de Mailly ( Urcel), 1907 (coll. particulière).


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Mauregny en Haye 423 hab. par JM Moltchanoff       

Les cahiers d'histoire de Mauregny ont été rédigés par Guy Pluchart et Jacques Tavola
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par Gilbert Delbrayelle

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